Amélie Nothomb: «Etre un chat, c'est mon fantasme»
La fantasque Amélie Nothomb avoue «une longue carrière de buveuse de champagne entamée à l'âge de 3 ans»A+ A- Imprimer RSS Envoyer Recommander Réagir Le nouveau roman d'Amélie Nothomb, «Le fait du prince», est l'un des livres les plus attendus de la rentrée. On y consomme sommeil et champagne sans modération. Une vraie vie de chat, comme celle dont rêverait la laborieuse écrivaine
Anne-Sylvie Sprenger - le 16 août 2008, 17h47
Le Matin Dimanche
Elle se lève tous les jours à quatre heures du matin pour écrire ses livres, et pourtant Amélie Nothomb n'aspire dans ses plus inavouables fantasmes qu'à une vie de chat. C'est en tout cas ce qu'elle nous confie à l'occasion de la sortie de son dernier roman, «Le fait du prince», où il est beaucoup question de champagne, d'heures oisives et autres plaisirs sensoriels.
Déroutant, ce nouvel opus suit les aventures étranges de Baptiste Bodave. Un jour, un inconnu sonne à sa porte, demande à utiliser son téléphone et meurt instantanément sur son carrelage. Paniqué à l'idée d'être accusé de meurtre, le narrateur décide ni une ni deux, comme dans les meilleurs films surréalistes, d'endosser l'identité de l'inconnu et de s'enfuir vers une nouvelle vie. S'ensuit un roman rocambolesque, qui laisse l'étrange sensation d'une grande farce. Explications avec la malicieuse auteure.
Comment naît un roman aussi étrange que celui-ci?
Tout simplement de l'un de mes dadas qui est la lecture des constats de décès dans les journaux. Il est toujours écrit: «L'individu est mort dans le taxi qui l'emmenait aux urgences». Je me suis alors demandé pourquoi tous ces gens mourraient dans les taxis. Des médecins m'ont expliqué que c'était une formule consacrée: les gens font endosser au taxi le lieu du décès, car c'est trop pesant de dire que le mort est décédé chez soi. J'ai alors imaginé le cas de quelqu'un qui vient crever chez soi. Quelle drôle de façon de rencontrer quelqu'un!
Vous lisez beaucoup les faits divers?
Oui, c'est très malsain et évidemment ça fait très concierge, mais les faits divers, c'est quand même la partie la plus fascinante du journal. Ils sont écrits dans un style plein d'évidence, alors que ça contient des trucs pas croyables. Ce sont toujours de beaux moments de surréalisme!
Ce roman baigne dans le surréalisme justement...
Eh bien, je suis une vraie Belge! J'aime ce surréalisme qui a des démarrages ultra-quotidiens et où ce qui arrive d'extraordinaire n'est pas raconté de manière différente de ce qui arrive de plus plat.
On a l'impression que vous êtes passée d'une certaine gravité à une ambiance beaucoup plus légère.
Mais c'est un livre sous le signe du champagne, donc forcément, il ne peut être qu'allègre et léger! C'est en cela aussi qu'il est autobiographique, car on sent tout de suite que ce livre est écrit par quelqu'un qui boit beaucoup de champagne.
Vous avez commencé très tôt, d'ailleurs...
Absolument. Une longue carrière de buveuse de champagne entamée à l'âge de 3 ans, et qui a connu tout ce que doit connaître une vraie carrière de buveuse de champagne puisqu'elle a aussi connu une grande irruption. J'ai arrêté de boire à 13 ans et demi avec l'intention de ne plus jamais toucher à une goutte d'alcool. Mais comme j'avais gardé une grande nostalgie de l'alcool, je m'étais toujours dit que si je voyais se pointer la fin du monde, je recommencerais à boire. Et le 11 septembre 2001, je me suis dit qu'on y était, qu'il ne fallait plus attendre, et je m'y suis remise. Finalement ce n'était pas la fin du monde, mais l'alcool est resté.
Le champagne, c'est vraiment le symbole absolu de l'oisiveté, de cette vie de chat que le narrateur jalouse...
J'aimerais être chat, c'est vraiment mon fantasme. Et pourtant, c'est vraiment le contraire de ma vie: j'ai une vie de rude travailleuse. Mais quand je vois la vie des chats, je me demande pourquoi je ne vis pas comme ça. Si vous saviez comme je le regrette!
L'écriture vous emprisonne-t-elle à ce point?
Au contraire! Même si je travaille comme une acharnée, je me suis toujours sentie libre en écrivant. C'est l'expression même de ma liberté. Je ne suis pas quelqu'un qui se sent très libre dans la vie de tous les jours, pour mille raisons stupides et autres lubies, mais Dieu merci quand j'écris, je me sens toujours formidablement libre.
À LIRE
«Le fait du prince», Amélie Nothomb, Albin Michel, à paraître le 20 août 2008